Comment Jackie Kennedy a sauvé Grand Central de la destruction
Construite en 1913, Grand Central Terminal voit passer chaque jour plus de 800 000 passagers qui prennent des trains de banlieue ou le métro pour rejoindre les quatre coins de la ville. Au fil des années, elle est devenue une véritable attraction touristique. La célèbre gare new-yorkaise, qui fêtera ses 105 ans en février, fut menacée de destruction plusieurs fois au cours du siècle dernier.
En 1947, plus de 65 millions de personnes, soit l’équivalent de 40% de la population des États-Unis, y transitaient chaque année. Mais après la Seconde Guerre Mondiale, les chemins de fer ont connu un important déclin avec la concurrence des autoroutes subventionnées par le gouvernement et le développement du trafic aérien. Les gares de la ville commencèrent peu à peu à être délaissées par les new-yorkais. En 1954, un plan fut lancé, puis rapidement abandonné, pour remplacer la gare par un immeuble de 80 étages, plus grand que l’Empire State Building.

En 1967, Grand Central Terminal fut désignée Monument Historique National. Ce statut devait protéger la gare de toute démolition. Au début des années 1970, la société Penn Central Railroad (propriétaire de la gare) était en mauvaise forme financière. Elle souhaita alors réaliser une juteuse opération immobilière. La société proposa de faire comme pour Penn Station : vendre Grand Central à une société qui y ferait ériger un nouveau building.
C’est alors que Marcel Breuer dévoila des plans pour la construction d’une tour de bureaux sur Grand Central. Il souhaitait construire un building au-dessus de la structure de la gare, mais il n’aurait pas conservé la façade et le grand hall.
Ce projet entraîna une importante opposition, d’autant plus que Penn Station, avait été démolie en 1964 pour être remplacée par des tours de bureaux et la salle de spectacle du Madison Square Garden. Cette destruction avait déjà soulevé une vague d’indignations.
Grand Central était alors l’un des symboles de l’ancien Manhattan. Jackie Kennedy était particulièrement attachée à la ville de New York, notamment parce que son grand-père, James T. Lee, avait participé à la construction de nombreux buildings de la ville dont le 740 Park Avenue. Jackie Kennedy vécut d’ailleurs dans l’un des appartements de ce gratte-ciel pendant son enfance.

Grand Central Terminal étant un monument protégé, la société Penn Central Railroad ne pouvait pas en faire ce qu’elle voulait. La société intenta alors un procès à la ville afin d’essayer de faire annuler le statut particulier de la gare pour enfin faire avancer son projet de gratte-ciel. A la suite de cette bataille juridique, le statut historique de la gare fut annulé.
Pour tenter de sauver la gare, des militants de la Municipal Art Society of New York organisèrent une conférence de presse au célèbre Oyster Bar de Grand Central. Devant de nombreux journalistes, Jackie Kennedy pris la parole : “Si nous ne nous soucions pas de notre passé, nous ne pouvons pas avoir beaucoup d’espoir pour notre avenir […] Nous avons tous entendu qu’il est trop tard, que c’est inévitable, mais je ne pense pas que ce soit vrai, parce que je pense que s’il y a une grande mobilisation, même de dernière minute, on peut réussir et je sais que c’est ce que nous ferons.”
Pour sauver le bâtiment, il fallait convaincre l’opinion publique mais surtout le maire de l’époque, Abraham Beame. La tache était complexe, puisqu’il fallait le convaincre de dépenser des millions de dollars pour restaurer la gare alors que le pays connaissait une grave crise économique. Jackie Kennedy lui écrivit alors une lettre le 24 février 1975.
Cher Maire Beame. […] N’est-il pas cruel de laisser mourir peu à peu notre ville, dépouillée de tous ses monuments emblématiques, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien de toute son histoire et de toute sa beauté pour inspirer nos enfants ? S’ils ne sont pas inspirés par le passé de notre ville, où trouveront-ils la force de se battre pour son avenir ? […] Peut-être qu’il est encore temps de prendre position, de renverser la tendance, afin que nous ne nous retrouvions pas tous dans un monde uniforme de boîtes d’acier et de verre.

Abraham Beame annonça que la ville se battrait pour sauver Grand Central, mettant de nombreux juristes de la ville sur cette affaire. À la fin de l’année 1975, la décision de retirer le statut de monument historique de Grand Central a été annulée par la justice. La société Penn Central Railroad a contesté cette décision, menant le combat jusqu’à la Cour Suprême des États-Unis. Finalement, en 1978, la Cour Suprême confirma le statut de monument historique de la gare. Grand Central Terminal fut alors sauvée de la destruction.
Il faudra cependant attendre encore quelques décennies avant que la gare ne soit restaurée et retrouve de sa splendeur. La gare se transforma et ne verra plus partir de trains de grandes lignes mais uniquement des trains de banlieue.
Quelques années plus tard, Jackie Kennedy continua de se battre pour sauver d’autres monuments de New York, dont le Lever House et la St. Bartholomew Church.
Aujourd’hui une entrée de la gare porte le nom de Jacqueline Kennedy Onassis Foyer pour commémorer le rôle majeur de l’ex First Lady dans la sauvegarde du bâtiment. Elle se situe au niveau de Park Avenue et East 42nd Street.
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